Cours Les lieux de privation de liberté en France

Introduction

En France, comme dans toute démocratie, la liberté de circuler constitue un droit fondamental. Toutefois, dans certaines circonstances, cette liberté peut être fortement limitée voire supprimée. Les lieux de privation de liberté en France, tels que les prisons, les centres de rétention administrative et certains établissements psychiatriques, sont conçus pour isoler du reste de la population des personnes susceptibles de perturber l’ordre public.

Ces lieux de privation de liberté suscitent d’importants débats. Les conditions de détention y étant souvent difficiles et parfois violentes, elles fragilisent la capacité des personnes détenues à se réinsérer dans la société.

Après avoir présenté la diversité des lieux de privation de liberté en France, nous aborderons la question des conditions de détention. Enfin, nous traiterons des moyens de contrôle mis en place pour préserver le droit au respect de leur dignité des personnes concernées.

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Définition

Se réinsérer :
Retrouver une place dans la société après avoir été condamné par la justice à une privation de liberté.

Priver des personnes de liberté pour préserver l’ordre public

Seul un juge peut décider de priver une personne d’une partie de ses droits fondamentaux. Cette décision se justifie par le risque important que cette personne fait courir au maintien de l’ordre public.

Il existe deux sortes d’établissements pénitentiaires en France :

  • les maisons d’arrêt qui accueillent les détenus en attente de jugement ainsi que les personnes condamnées à de courtes peines ;
  • les maisons centrales, conçues pour les détenus condamnés à de longues peines.

En 2005, la population carcérale était d’environ 55 300 individus. Vingt ans plus tard, au 1er avril 2025, environ 80 000 personnes sont détenues dans ces établissements. Parmi elles, environ 2 817 femmes, soit 3,5 % de l’effectif. Les hommes constituent donc la très grande majorité des personnes emprisonnées.

photo-centre-penitentiaire-Mont-de-Marsan Le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan ©Jibi44 – CC BY-SA 4.0

Afin de limiter la surpopulation carcérale, certaines personnes sont condamnées à porter un bracelet électronique qui permet de suivre et de restreindre leurs déplacements. En 2024, cela concernait environ 16 000 personnes.

Pour les mineurs ayant commis des actes de délinquance, des centres éducatifs fermés (CEF) existent. Il s’agit de structures encadrées dans lesquelles les jeunes sont placés à la suite d’une décision judiciaire. L’objectif est de concilier éducation et sanction, tout en préparant leur réinsertion.

La garde à vue constitue une autre forme de privation temporaire de liberté. Elle permet de retenir dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, pour les besoins d’une enquête, une personne suspectée d’avoir commis une infraction. La durée est strictement encadrée par la loi (entre 24 et 48 heures), et la personne doit être informée de ses droits dès le début de la garde à vue.

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Définition

Surpopulation carcérale :
Situation où le nombre de détenus dépasse la capacité d’accueil des prisons.

Garde à vue :
Période pendant laquelle la police ou la gendarmerie garde une personne soupçonnée d'un crime ou d’un délit afin de l’interroger.

Sur décision du préfet, des étrangers en situation irrégulière peuvent être placés dans des centres de rétention administrative avant leur expulsion du territoire, dans le cas où ils ne peuvent pas partir immédiatement. Cette rétention ne peut durer que quatre jours. Le juge des libertés et de la détention peut ensuite décider de prolonger leur placement pour une durée maximale de quatre-ving-dix jours. Il ne s’agit toutefois pas de personnes ayant commis un crime ou un délit. On compte 27 centres de rétention administratives en France, qui ont accueilli un peu plus de 30 000 personnes en 2024.

Enfin, des personnes peuvent être hospitalisées en milieu psychiatrique sans leur consentement, soit à la demande d'un proche, soit sur décision du directeur du centre hospitalier, soit sur décision du préfet, lorsqu'elles souffrent de graves troubles mentaux qui compromettent la sécurité des personnes ou portent gravement atteinte à l'ordre public. Cette décision vise à les soigner, à les maintenir en sécurité et à préserver l'ordre public.

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À retenir

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Des conditions de détention parfois critiquées

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Rappel

La France est signataire de traités internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme, signée en 1948, et la Convention européenne des droits de l’homme, signée en 1950. À ce titre, elle s’engage à garantir le respect de la dignité des personnes privées de libertés et doit leur permettre un accès à des soins de qualité.

Même si les droits des personnes privées de liberté sont mieux respectés en France que dans beaucoup d’autres pays, des associations et des ONG dénoncent des conditions de vie parfois dégradantes qui vont à l’encontre de leur droit au respect de leur dignité.

Les prisons françaises sont souvent critiquées pour leur surpopulation. Par exemple, en 2024, certaines prisons comptaient plus de 130 % de taux d’occupation. Cela crée des conditions de vie très compliquées : les cellules sont surchargées, l’accès à la douche ou aux soins peut être limité. Ces mauvaises conditions de détention favorisent la violence au sein des établissements pénitentiaires, elles ont un impact sur la santé physique et mentale des détenus, ce qui limite leurs possibilités de réinsertion une fois libérés.

Observatoire-international-prisons-section-francaise Observatoire international des prisons, section française ©OIP – CC BY-SA 4.0

L’Observatoire international des prisons (OIP) est une association qui alerte l’opinion publique ainsi que les services de l’État en publiant régulièrement des rapports pour dénoncer les conditions de vie des détenus. Ainsi, elle demande à l’État d’améliorer la situation en construisant de nouvelles prisons et en développant le recours aux peines alternatives, comme le port du bracelet électronique. De courtes peines de prison pourraient également être plus fréquemment remplacées par des travaux d’intérêt général.

Concernant les centres de rétention administrative, l’association La Cimade et des ONG telles qu’Amnesty international se mobilisent pour dénoncer certains abus. La Cimade explique notamment que beaucoup des personnes vivant dans des centres de rétention administrative subissent un véritable traumatisme, surtout quand elles sont séparées de leur famille ou qu’elles sont enfermées pendant plusieurs semaines dans des conditions parfois très dures, avec un accès aux soins insuffisant.

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Définition

ONG :
Association indépendante des États et des entreprises. Elle agit à l’échelle internationale pour défendre les droits de l’homme ou des causes humanitaires, sociales et environnementales sans jamais chercher à s’enrichir.

Peines alternatives :
Sanctions judiciaires remplaçant l’emprisonnement. Elles visent à favoriser la réinsertion du prisonnier (travail d’intérêt général, sursis, amende, bracelet électronique).

Travaux d’intérêt général :
Peine infligée par la justice consistant à effectuer gratuitement un travail au profit de la collectivité, souvent pour des infractions mineures.

Photo-vue-depuis-cellule-maison-arret-Colmar Vue depuis une cellule de la maison d'arrêt de Colmar ©Gzen92– CC BY-SA 4.0

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À retenir

La France, signataire de traités internationaux, doit garantir le respect de la dignité et l’accès aux soins des personnes privées de liberté. Pourtant, la surpopulation carcérale entraîne des conditions de détention difficiles. Des associations dénoncent ces situations. Des ONG alertent aussi sur les conditions de vie dans les centres de rétention administrative, jugées parfois traumatisantes.

Le contrôle des lieux de privation de liberté

Même si des personnes peuvent être privées par décision de justice de leur liberté de circuler, elles conservent malgré tout certains droits fondamentaux. Pour s’assurer que leurs conditions de détention soient correctes et non dégradantes, voire compromettantes pour leur réinsertion, il est nécessaire que des contrôles soient régulièrement organisés.

L’un des principaux acteurs de ce contrôle est le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Il s’agit d’une autorité administrative indépendante créée en 2008 qui réalise, sans prévenir, des visites dans des établissements pénitentiaires et dans les centres de rétention administrative. Il publie ensuite des rapports des visites effectuées et formule des recommandations afin que les droits des détenus soient mieux pris en compte.

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Exemple

En 2023, le CGLPL a publié un rapport préoccupant sur la maison d'arrêt de Bordeaux-Gradignan, dénonçant la surpopulation carcérale ainsi que des conditions d’hygiène indignes.

De même, un rapport de 2024 sur les centres de rétention administrative a pointé des atteintes graves à la dignité des étrangers retenus, notamment à Paris-Vincennes.

Au sein du ministère de la Justice, des contrôles sont également réalisés par des juges des libertés et de la détention ainsi que par des procureurs de la République, qui veillent ainsi au respect de la dignité des personnes détenues.

Également, toute personne détenue peut s’adresser au Défenseur des droits en utilisant un formulaire spécifique qui lui est remis lors de sa détention. Le Défenseur des droits a ensuite la possibilité d’enquêter, de formuler des recommandations ou d’alerter le ministère de la Justice sur des conditions de détention considérées comme insuffisamment respectueuses de la dignité humaine.

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Enfin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) joue un rôle fondamental dans le contrôle des lieux de privation de liberté en France, en veillant au respect de la Convention européenne des droits de l’homme, adoptée en 1950. Elle interdit notamment, dans son article 3, les traitements inhumains ou dégradants. Les personnes privées de leur liberté peuvent donc saisir la Cour européenne des droits de l’homme si elles considèrent que leurs conditions de détention son indignes. Pour ce faire, il faut toutefois que toutes les possibilités de recours soient épuisées au niveau national.

photo-interieur-cour-europeenne-droits-homme Intérieur de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg ©CherryX – CC 3.0

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Définition

Cour européenne des droits de l’homme :
Juridiction internationale créée en 1959 dont le siège est à Strasbourg. Elle peut être saisie par tout individu estimant qu’un État membre a violé ses droits fondamentaux.

Défenseur des droits :
Autorité indépendante créée en 2011 qui aide les citoyens à défendre leurs droits et leurs libertés.

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À retenir

Même détenues, les personnes conservent des droits fondamentaux comme le droit au respect de la dignité et le droit à l’accès aux soins. Divers acteurs, dont le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la justice, et la Cour européenne des droits de l’homme, veillent au respect de ces droits.

Conclusion

Les prisons, les centres éducatifs fermés ou les centres administratifs de rétention, sont des lieux où des personnes sont retenues parce qu’elles ont enfreint la loi ou parce qu’elles sont en attente d’une décision de justice. Ces lieux ont pour but d’isoler temporairement les personnes concernées, dans l'intérêt général.

À part pour les centres de rétention administrative, où les personnes détenues ont vocation à retourner dans leur pays d’origine, les lieux de privation de liberté ont également pour objectif de préparer le retour au sein de la société. Ce double objectif représente un véritable défi pour garantir la sécurité de tous tout en permettant une réinsertion réussie.