Cours Le récit d’aventures : La rivière à l’envers, de Jean-Claude Mourlevat

Introduction :

La rivière à l’envers est un roman de voyage et d’aventures de Jean-Claude Mourlevat, publié en 2000.

Première et quatrième de couverture

1re de couverture - La rivière à l’envers - lecture et compréhension - schoolmouv - français CM1

Sur la première de couverture le titre La rivière à l’envers surprend tout de suite le lecteur. Comment une rivière peut-elle être « à l’envers », qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Sur le dessin, on voit seulement une rivière qui paraît tout à fait normale, ce qui rend le titre encore plus mystérieux.

Le résumé, présent au dos du livre, sur la quatrième de couverture, parle d’endroits dont les noms sont très étranges, et notamment « la Forêt de l’Oubli » et «l’Île inexistante », autant d’indices qui font penser à des lieux magiques dont on ne comprend pas ce qu’ils cachent.

On lit également qu’il va s’agir d’un voyage fabuleux, ce qui confirme ce qu’on pressentait à la lecture du titre et du début du résumé. Un début d’explication est donné sur cette rivière à l’envers. Elle coule à l’envers et son eau empêche de mourir. Cette fois, le lecteur est certain que l’histoire qu’il va lire appartient au registre du merveilleux.

On découvre enfin qu’il y a deux héros, deux jeunes orphelins, Tomek et Hannah. Il est donc question de deux enfants seuls, à peu près de l’âge du lecteur. Celui-ci pourra ainsi s’identifier assez facilement à eux.

Le début de l’histoire

Dans le prologue (court texte qui introduit le récit), l’auteur nous explique que l’histoire se passe autrefois, c’est-à-dire il y a très longtemps :

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« L’histoire que voici se passe en un temps où l’on n’avait pas encore inventé le confort moderne. Les jeux télévisés n’existaient pas, ni les voitures avec airbags, ni les magasins à grande surface. On ne connaissait même pas les téléphones portables ! »

Ce temps lointain permet au lecteur d’entrer dans un monde qu’il ne connaît pas et qui va l’aider à se détacher de la réalité. Cependant l’auteur précise que toutes sortes de « choses qu’on continue à apprécier de nos jours » existaient déjà et notamment « les chagrins d’amour ». Les personnages sont donc comme tout le monde, ils peuvent nous ressembler. En effet nous avons tous déjà eu des chagrins, ce qui nous rapproche des gens qui vivaient dans ce temps lointain.

La situation initiale (le début de l’histoire) est décrite assez rapidement au début du premier chapitre : Tomek tient la seule épicerie du village dans lequel il vit. Dans sa boutique, toujours ouverte, on trouve de tout, « des choses utiles et raisonnables » et des « objets indispensables ». Tomek habite dans son arrière-boutique. Losqu’il sort, il laisse ouvert car il peut faire confiance à ses clients.

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« Ainsi tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes, comme on dit, et cela aurait pu durer des années et même des siècles sans qu’il arrivât rien de particulier. »

Et pourtant, Tomek a un secret : il s’ennuie. Il s’ennuie même beaucoup. Il a de plus en plus envie de partir.

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« D’autres fois, très tôt, il allait marcher sur les chemins qui se perdaient dans la campagnes […] et cela lui arrachait le cœur de devoir rentrer à la maison. »

Les mots sont très forts et nous font ressentir la douleur du héros.
Et c’est pire encore en automne lorsque passent les oies sauvages dans le ciel.

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« Mais c’est à l’automne surtout […] que Tomek ressentait avec le plus de violence le désir de s’en aller. Les larmes lui en venaient aux yeux tandis qu’il regardait le oies sauvages disparaître à grands coups d’ailes à l’horizon. »

Sa douleur est tellement importante qu’elle le fait pleurer.

Mais Tomek ne veut pas abandonner les gens du village. « Cela les aurait rendus tristes. Or Tomek ne supportait pas de faire de la peine à autrui. » On découvre une autre facette du caractère de Tomek, il est profondément gentil. Il essaie donc de se raisonner, de patienter. Mais il n’y parvient pas.

L’évènement déclencheur de l’aventure

Au moment où l’on comprend que patienter est en train de devenir insupportable à Tomek, il se passe « un évènement considérable » qui va faire basculer l’histoire. Une jeune fille de douze ans environ entre dans sa boutique pour acheter un sucre d’orge. Tomek en tombe immédiatement amoureux.

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« Et la seconde chose que fit Tomek, […] ce fut d’en tomber amoureux instantanément, complètement et définitivement. »

L’accumulation des trois adverbes (« instantanément », « complètement » et « définitivement ») fait vivre au lecteur la violence du choc ressenti par Tomek face à la jeune fille. Il ne pourra rien y changer ni revenir en arrière.

Avant de partir, la jeune fille lui apprend qu’elle cherche l’eau de la rivière Qjar car elle empêche de mourir et qu’elle en a besoin.

Dans les jours qui suivent, Tomek est tracassé par cette histoire d’eau qui empêche de mourir. Mais il ne se souvient plus du nom de la rivière. Il décide alors d’aller trouver Icham. C’est un vieil homme qui est écrivain public (il lit et écrit pour ceux qui ne savent pas le faire) que Tomek appelle grand-père.

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« Ils n’étaient ni le grand-père ni le fils l’un de l’autre, mais comme Icham vivait seul et que Tomek était orphelin, ils s’étaient toujours appelés comme cela. Ils s’aimaient beaucoup. »

Icham lui dit que la rivière se nomme Qjar et qu’elle coule à l’envers. Normalement les rivières naissent dans les terres et se dirigent vers la mer en grossissant peu à peu car elles se mêlent les unes aux autres. Or la rivière Qjar fait le contraire ! Elle prend sa source dans l’Océan et perd progressivement de l’eau jusqu’à ce qu’elle s’arrête en haut de la Montagne Sacrée. « Et là, elle s’immobilise enfin et cela forme dans le creux d’une pierre un minuscule bassin »._ Icham ajoute que c’est une eau très pure, magique car elle empêche de mourir.

Seulement il y a un problème : personne n’est jamais revenu de ce voyage et donc n’a pu rapporter de l’eau de cette rivière.

Pourtant Tomek, prend la décision de  partir.

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« À compter de ce jour, l’idée de partir ne quitta plus Tomek. »
« Les derniers jours, il eut bien du mal à cacher son agitation. »

Tomek se pose mille questions sur ce qu’il doit emporter ou non car il n’a aucune idée du chemin qu’il va prendre. Comme lui, le lecteur est impatient, et ne sait plus très bien ce que va chercher Tomek : la rivière, l’eau, la jeune fille ?

Pourtant Tomek n’éprouve pas que de la joie car il va devoir laisser Icham derrière lui.
Or Icham est très vieux : si le voyage dure longtemps, il se peut que Tomek ne le revoit jamais. Il se peut même qu’il ne revienne pas. Il n’ose pas lui annoncer son départ, alors il lui écrit une lettre dans laquelle il dit :

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« Je sais que je vais te faire de la peine et je te demande de me pardonner. Je suis parti ce matin pour la rivière Qjar. Si j’y arrive, je te rapporterai de son eau. »

C’est un passage très émouvant. On sent toute la tristesse de Tomek qui doit faire un choix entre son rêve de partir et de retrouver la jeune fille et le chagrin de laisser son ami.

Malgré tout c’est la joie qui l’emporte et Tomek est heureux, il n’a plus aucun doute sur le succès de son projet. Il va réussir !

Dans ce passage, les phrases sont courtes pour donner du rythme à l’histoire et faire comprendre au lecteur toutes les émotions qui traversent Tomek, tous ses espoirs : il escaladera la Montagne sacrée, il rapportera l’eau magique, il reverra la jeune fille, il lui rendra son sou.

Les péripéties

Tomek a un petit moment de tristesse en déposant sa lettre pour Icham. « Il eut du mal à retenir ses larmes en glissant la lettre dans l’enveloppe. »

Comme cette histoire se passe il y a longtemps, Tomek n’a aucun moyen de se guider, ni carte, ni panneaux indicateurs, ni GPS !
Autrefois les hommes se guidaient à l’aide du soleil de la lune ou des étoiles, au risque de se perdre.
Tomek va donc vers le sud, vers l’océan selon les conseils de son ami Icham.

Après une longue marche sans imprévu, il arrive près d’une immense forêt qu’il va devoir traverser pour ne pas faire un détour. Il s’endort très vite après avoir pensé qu’il aimerait avoir un compagnon de voyage car il commence à se sentir seul.

Le chapitre se termine en donnant l’envie de connaître la suite.

La Forêt de l’Oubli

Tomek se réveille heureux.

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« Il allait sortir de sa cachette quand il perçut des bruits étranges à l’extérieur. […]
C’était une femme, en effet. Drôlement accoutrée peut-être mais c’était une femme. Plutôt petite de taille mais très ronde. Elle portait les uns sur les autres une quantité de vêtements qui n’allaient pas ensemble. »

C’est la première rencontre de Tomek et elle est étonnante pour deux raisons.
La première est que cette femme est installée juste à côté de l’arbre où a dormi le jeune garçon alors que depuis son départ il n’a croisé personne ! Comment est-elle arrivée ici ?
La deuxième est l’aspect de cette femme, très ronde et bizarrement habillée. Elle prépare un feu le matin au milieu de la campagne, en chantant, tout près de la forêt…

Cette femme, qui s’appelle Marie, partage gentiment son petit déjeuner avec lui.  Elle est accompagnée d’un âne borgne nommé Cadichon.
Marie est gaie, agréable et elle lui parle de la forêt : elle est remplie d’ours géants. Et quand Tomek lui dit qu’il veut la traverser ou alors la contourner, Marie éclate de rire car, selon elle, cela pourrait prendre deux ans : c’est la plus grande de toutes les forêts.

Le plus étrange c’est son nom, la Forêt de l’Oubli. Elle possède en effet un pouvoir magique. Celui qui y entre est immédiatement effacé de la mémoire des gens, comme s’il n’avait jamais existé. Mais dès qu’il en sort, il revient dans leur mémoire comme avant.

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« Je veux dire qu’on les oublie dès qu’ils y entrent. Comme s’ils n’existaient plus, comme s’ils n’avaient jamais existé. La forêt les avale tout entiers, et avec eux le souvenir qu’on en a. Ils sortent à la fois de notre vue et de notre mémoire. Tu comprends ? ».

Cette fois Tomek et le lecteur entrent pour de bon dans un univers surnaturel.

Tomek et Marie deviennent amis, ils vont traverser ensemble cette forêt. Plus ils s’enfoncent dans la forêt plus la nature devient effrayante et plus on perçoit la peur de Tomek surtout lorsqu’ils entendent un cri aigu suivi d’un grognement épouvantable. « Cela ressemblait davantage à un hurlement de douleur qu’à celui d’une bête qui attaque. »

Ce n’est que brusquement qu’il se souvient de la jeune fille. Il comprend alors que s’il l’avait oubliée c’est qu’elle était dans la forêt en même temps que lui. C’est donc elle qui a crié. Tomek passe par des émotions très fortes allant du désespoir (« À quoi bon maintenant continuer le voyage ? À quoi bon même continuer à vivre ? ») quand il pense qu’elle a été dévorée par les ours au bonheur intense (« Elle en est sortie ! Marie ! Elle en est sortie ! Ils s’embrassèrent de joie. ») quand il comprend que si le souvenir lui est revenu c’est qu’elle est sortie de la forêt.

Le village des parfumeurs

En sortant de la Forêt de l’Oubli, Tomek et Marie débouchent sur une grande prairie recouverte de mille sortes de fleurs. Marie ne reste qu’un jour, elle fera demi-tour le lendemain. Tomek poursuit sa route mais il s’endort en respirant les fleurs. Il est recueilli par les habitants du village des Parfumeurs qui l’aident à se réveiller. Tomek découvre un peuple de petits personnages ronds et gentils dont la générosité est immense. Il apprend que la jeune fille qu’il cherche était aussi dans ce village et qu’elle a essayé de le réveillée mais a fini par repartir après lui avoir laissé une lettre : elle s’appelle Hannah.
L’hiver arrive mais Tomek a trop peur de ne jamais revoir Hannah s’il attend le printemps alors il embarque avec le capitaine Bastibalagom sur le bateau du nom de Vaillante pour traverser l’océan. Beaucoup de bateaux ne sont jamais revenus de ce voyage, engloutis par des arcs-en-ciel.

Et un jour, le bateau se dirige vers un arc-en-ciel. Le bateau n’obéit plus et passe dessous… Lorsqu’il le dépasse, les marins aperçoivent une île.

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« L’île ne semblait pas hostile, bien au contraire […]. Vaillante se dirigea tout seul vers un petit port où des voiliers étaient amarrés. […] le premier bateau s’appelait Espérance, on pouvait lire le nom sur la coque, le deuxième s’appelait Douce et tant d’autres qu’on avait crus perdus à jamais. »

Les marins arrivent sur une jolie île, le bateau se dirige vers un petit port. Mais une surprise extraordinaire les attend : tous les bateaux qui avaient disparu, sont là, amarrés au port, en excellent état ! Bastibal est non seulement fortement ému mais aussi stupéfait en les voyant en parfait état. « Mon Dieu… ce n’est pas possible… je rêve… ». À leur arrivée, des femmes s’enfuient mais une petite fille est là : elle ressemble aux enfants du village des Parfumeurs, avec une peau plus foncée : Quel lien y a-t-il entre cette île et le village ? Les marins restent méfiants : cette île est inconnue, « cette île ne figure sur aucune carte » ! Où sont-ils ? Ils restent à bord, attendant que les habitants de l’île, prévenus par la petite fille, arrivent. Sont-ils dangereux ?

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« Deux minutes ne s’étaient pas écoulées qu’une foule de gens dévala les pentes qui conduisaient vers le port […]. Tous trottinaient et agitaient les bras en signe de bienvenue. »

Les habitants de l’île semblent heureux de les accueillir.
Et surtout, les marins retrouvent des membres de leur famille, des amis qu’ils pensaient disparus à jamais ! Bastibalagom retrouve le capitaine Tolgom à qui il doit la vie.

Tomek et Batisdalagom terminent la soirée chez Tolgom qui leur donne le nom de l’île : L’ile inexistante.

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« L’île Inexistante ? Drôle de nom ! grommela Bastibalagom. Elle existe pourtant bel et bien, puisque nous y sommes !
— En effet, elle existe pour nous qui y sommes, mais elle est ignorée de tous les autres. Et je vais vous expliquer pourquoi, si vous le voulez bien. »

C’est parce que cette minuscule île se trouve au centre de l’océan que les bateaux qui s’en approchent la contournent sans le savoir, entraînés par les vents et les courants.
Pourtant la Vaillante a été attirée ici ! Est-ce de la magie ?

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« Et pourtant nous y sommes bien arrivés, nous… hasarda Tomek. Comment cela se fait-il ?
— Vous y êtes arrivés parce qu’on vous y a attirés.
— Ah bon… Et qui nous y a attirés ?
— Nos filles… se contenta de répondre Tolgom avec un sourire désolé ».

Pourquoi est-il désolé ?
Il est désolé parce que les bateaux ont été attirés par un sortilège (c’est une sorte de tour de magie). Et jamais personne n’a pu repartir car de cette île, on ne repart jamais.

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« Mes amis, bienvenue sur notre île Inexistante. D’ici on ne repart jamais… Jamais. »

C’est affreux pour Tomek qui comprend que s’il reste ici, jamais il ne reverra Hannah.

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« Il s’efforçait de rester calme, mais une terrible inquiétude l’assaillit. »

Le lecteur, qui depuis le début de l’histoire, vit l’aventure au travers de Tomek ressent cette panique qui monte en lui.

Plusieurs questions demeurent, qui seront résoluent dans la dernière partie, le dénouement : comment Tomek pourra-t-il continuer son voyage pour trouver la rivière Qjar, escalader la Montagne sacrée et rapporter l’eau qui empêche de mourir ? Et surtout pour retrouver Hannah ?

Conclusion

« La rivière à l’envers » est un roman de voyage et d’aventures merveilleuses. Tomek est le héros. C’est un personnage attachant, sensible et courageux qui a soif d’aventures. Mais ce qu’il faut bien comprendre c’est que s’il supporte toutes ces épreuves c’est surtout parce qu’il agit avec son cœur : il cherche Hannah dont il est amoureux, il veut rapporter de l’eau qui empêche de mourir à Icham qui est comme son grand-père, il s’attache à Marie, aux parfumeurs, aux marins qui deviennent ses amis.